Folklore politique à Conakry : Alpha Condé « invente » un statut de chef de file de l’opposition

Article : Folklore politique à Conakry : Alpha Condé « invente » un statut de chef de file de l’opposition
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26 décembre 2014

Folklore politique à Conakry : Alpha Condé « invente » un statut de chef de file de l’opposition

Le régime est face à une équation difficile à plusieurs inconnues. 2015 c’est demain. Après 4 années au pouvoir, il est encore à la phase des promesses et des accusations sur son héritage. « J’ai hérité d’un pays mais pas d’un Etat ». Le hic: ce discours ne marche plus.

Après avoir longtemps surfé sur la fibre ethnique, toutes les composantes ethniques du pays ont finalement compris que leurs liens séculaires sont plus puissants que les contradictions politiques alimentées par des politiciens en manque de projet. Ce discours là aussi ne marche plus.

Les conditions de vie des Guinéens se dégradent chaque jour. Les promesses populistes d’autosuffisance alimentaire avec des campagnes agricoles budgétivores et inefficaces ne sont pas tenues. Pour l’électricité et l’eau, l’échec est patent. Point de discours, on constate.

Enfin, un invité surprise et dramatique : Ebola. Certains pourraient dire que c’est la faute à « pas de chance ». Mais non ! Avant Ebola il y avait Alpha et les symptômes sont presque identiques, à quelques détails près.

Sur le plan international, les labels de reconnaissance ou de lobbying (Bernard Kouchner, Georges Soros, Tony Blair ou encore Vincent Bolloré) que brandissait Alpha Condé à chaque occasion n’émettent plus de signaux allant dans le sens de l’amélioration des conditions de vie des Guinéens. Ces célébrités dans le monde des affaires ne font pas de la philanthropie mais des affaires. Ici encore la réalité a démonté les discours creux et les promesses farfelues.

2015 c’est demain. Alors comment organiser un holdup électoral ? Avec son bilan catastrophique, Alpha Condé ne mènera aucune campagne pour convaincre les électeurs. C’est peine perdue et il le sait. Alors il expérimentera la méthode Laurent Gbagbo. La PROLONGATION. Les alibis, même s’ils ne sont pas très convaincants, existent. Comme à son époque Gbagbo avait utilisé la rébellion au nord de la Côte d’Ivoire, Alpha Condé compte utiliser l’épidémie d’Ebola. Mais dans le contexte actuel où il y a une certaine accalmie dans la propagation rapide de l’épidémie et les conséquences désastreuses de cette situation sur les conditions de vie des Guinéens, les populations commencent à s’interroger sérieusement sur leur avenir. Sortir de la fatalité et de la longue attente qui semble s’éterniser, les Guinéens veulent en finir une fois pour toute et finalement vivre dans un pays normal.

L’opposition qu’Alpha Condé a voulu caser dans les débats futiles à l’Assemblée nationale commence à saisir l’ouverture d’une fenêtre d’opportunités et elle ne compte pas se laisser berner une troisième fois après la présidentielle de 2010 et les législatives de 2013.

2015 c’est demain. Alpha Condé et ses acolytes commencent à paniquer car les signaux sont mauvais et la tâche de tripatouillage électoral dans un tel contexte semble titanesque. Alors, un beau matin, comme par enchantement, lui et ses collaborateurs se rappellent soudain qu’il y a une possibilité d’instituer le statut de chef de file de l’opposition comme cela existe au Burkina Faso et dans d’autres pays. Toute initiative institutionnelle allant dans le sens du renforcement réel de la démocratie est à saluer. Mais, dans le contexte actuel, les motivations qui sous-tendent cette initiative sont essentiellement manipulatrices. Les effets à court terme qu’espéraient les promoteurs de cette ignominie étaient de semer la zizanie au sein de l’opposition notamment entre les trois ténors (Cellou Dalein Diallo, Sidya Touré et Lansana Kouyaté). Avec lucidité, ces trois ténors ont réussi à tuer la polémique dans l’œuf par la banalisation de l’annonce faite par Alpha Condé de vouloir « introniser » Cellou Dalein comme chef de file de l’opposition. Ce machin institutionnel appelé « chef de file de l’opposition » n’est qu’une arnaque (expérimentée par certains Etats africains) dans le seul but de diviser les forces de  l’opposition. Avec un budget et d’autres avantages, ce petit chef fera de la figuration protocolaire et contribuera à l’affaiblissement de l’opposition en générale.

Malgré tout, Alpha Condé persiste dans sa logique de placement de peaux de banane même s’il est convaincu que les chances de voir l’opposition glisser facilement dessus sont très minimes aujourd’hui. Mais pourquoi alors persiste-t-il désespérément à toujours ramener les vieilles recettes communistes qui ont largement montré leurs limites ? Cette manie de surcharger l’actualité politique dans l’espoir de détourner l’attention des vraies questions, Alpha Condé en use et en abuse depuis 2010.

Du coup, les observateurs et ses adversaires politiques devinent facilement aujourd’hui la suite de ses agissements. C’est comme une cassette d’un même auteur qui tourne en boucle ou encore les idioties quotidiennes d’Alhousseine Makanera sur les ondes des radios à Conakry.

Sékou Chérif Diallo

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