3 ans après: violences politiques et impunité, Alpha Condé perpétue la tradition

Article : 3 ans après: violences politiques et impunité, Alpha Condé perpétue la tradition
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6 juin 2014

3 ans après: violences politiques et impunité, Alpha Condé perpétue la tradition


Que pouvait-il faire d’autre ? Était -il prédestiné à un règne de paix et de bonheur pour son peuple ? Certainement pas ! Il est tout sauf un sauveur. Il est le continuateur (celui qui prend le relais) des actions manifestement douloureuses de ses prédécesseurs. Avec lui, la démocratie attendra ! Les droits de l’homme attendront ! Mais l’espoir qu’une autre Guinée est possible est de plus en plus manifeste.

Alpha condé était-il prédestiné à l’échec ? Sans aucun doute ! Le désenchantement est très grand aujourd’hui chez les guinéo-optimistes, ceux qui croyaient au miracle, ceux qui en avaient assez des régimes militaro-affairistes, ceux qui rêvaient du retour d’un président civil à la tête de l’Etat, ceux qui pensaient qu’être opposant historique était synonyme de sagesse et d’expériences, ces guinéens là qui rêvaient, naïfs, qui croyaient au père noël, sont aujourd’hui extrêmement déçus. Comme au PMU, « la mise est sur le mauvais cheval ».

Les responsables ? Un peu d’histoire ! De Moussa Dadis à Sékouba Konaté, ils sont nombreux, les acteurs qui ont décidé à la place des populations guinéennes et du coup, sont tenus responsables de ce qu’on pourrait appeler ‘’la débâcle de la démocratie en Guinée’’. J’accuse en premier, Moussa Dadis Camara, chef de la junte d’alors d’avoir trahi l’espoir de tout un peuple. Après 24 ans de règne du militaire Lansana conté, le peuple de Guinée en avait assez et tous les observateurs prédisaient la reprise du pouvoir par l’armée. Comme par hasard, un Capitaine sort de nulle part pour s’emparer du pouvoir devant des Généraux affairistes et discrédités auprès des troupes. La légitimité populaire était acquise et toute la classe politique donna sa caution à ce coup de force qui était inévitable, semble t-il. Mais l’espoir de rupture ne tarda pas à s’estomper avec les dérives à répétition des nouveaux maîtres de Conakry. Amateurisme, excès de zèle, exactions, le pouvoir de celui qui s’auto-désignait « moi Président Dadis » s’effondra comme un château de cartes. Un autre rendez-vous manqué avec une grande déception et surtout une tragédie « le 28 septembre ». Sékouba Konaté, président de transition je l’accuse aussi d’avoir trahi l’expression de la volonté populaire. Guidé par la communauté internationale pour sauver le pays du chaos après la parenthèse tragique du bouillant Capitaine, le Général d’armées a certes transmis le pouvoir à un civil mais au lieu de régler définitivement le problème, il l’a juste déplacé. Comme aux enchères, le pouvoir est transmis au plus offrant.

1. La tradition d’impunité et les violations des droits de l’Homme

« L’organe de l’État le plus pourri, c’est la justice. Complètement pourrie ». Qui a tenu ces propos ? Jean-Marie Doré, lorsqu’il était Premier ministre de de transition, en mai 2010, devant les chargés de mission de la FIDH et de l’OGDH. Une affirmation de plus car même le citoyen lambda connait cette réalité. Mais c’est édifiant sur l’ampleur du mal institutionnel de ce pays qui a une tradition de violence et de non droit. Les violations des droits de l’Homme sont récurrentes avec son lot de statistiques macabres. La réalité la plus ahurissante est sans doute le cycle infernal de l’impunité. Selon un rapport de la FIDH sur la Guinée, cette impunité est construite, héritée des années de dictature et d’autocratie et entretenue pour garantir aux auteurs des graves violations des droits de l’Homme d’échapper à toute sanction.

« Aucune réponse n’a été apportée par les autorités politiques ou judiciaires guinéennes, aux victimes de 2005, 2006, 2007 et 2008 tant concernant la vérité des faits qui se sont déroulés, que sur les responsabilités pénales individuelles des auteurs de ces exactions, et pour le moins concernant les réparations pour les victimes. Les donneurs d’ordre et les plus hautes autorités militaires et politiques de l’époque demeurent, pour le moment, bien loin de la ligne de mire de la justice guinéenne ». Tenez-vous bien ! ce rapport de la FIDH date de septembre 2010. Trois ans après, à la place d’une justice rendue, nous assistons à une recrudescence des exactions et une exacerbation de l’impunité. La banalisation de la vie humaine a atteint des proportions inquiétantes ces derniers temps. La plus petite manifestation, les forces de sécurités tirent sur des manifestants non armés. Les Guinéens continuent encore à faire les frais de l’arbitraire entretenu par l’Etat. Violences encore de violences. Le 3 Avril 2011, le 27 Septembre 2011, la nuit du 3 au 4 Août 2012 à Zogota, juillet 2013 à N’Zérékoré, le 21 Septembre 2012 etc. Tous ces crimes non élucidés s’inscrivent dans une logique de musellement des libertés fondamentales.

2. ‘’Guinée is back’’, la philosophie incomprise

Si Alpha Condé a passé toute sa vie à chercher le pouvoir, il a du mal à gérer cette machine gigantesque qu’est l’Etat. Après 3 ans de stage au sommet de l’Etat, je voulais dire d’apprentissage, le ‘’professeur’’ qui n’a cessé de demander à ses concitoyens de « serrer la ceinture » a semble t-il usé tout son stock de promesses. La gouvernance par annonces ne semble plus marcher. Les arguments ‘’PPTE’’ avec ses hypothétiques milliards n’ont rien donné. Tirer sur la fibre ethnique ne marche plus vraiment, car la dégradation des conditions de vie est observée partout. Traiter les opposants d’anciens prédateurs n’a plus de sens quand les pratiques de corruption et de favoritisme sont aujourd’hui entretenues par la présidence. Les services sociaux de base (eau et électricité), l’échec est plus que patent. Bref, le pouvoir fait semblant de gérer quelque chose mais il ne maitrise rien du tout.

En nommant des militants à la place des technocrates, le ‘’Professeur’’ s’est mis des bâtons dans les roues. Aujourd’hui le désenchantement est total. La Guinée d’aujourd’hui, plus que jamais divisée est devenue une société sans repère, violente et déboussolée ; un véritable océan de haine, de misère de tout genre et de souffrance.

Un étranger qui passe une seule journée à Conakry saura évaluer l’ampleur de cette division. Il lui suffira juste d’écouter deux émissions interactives radiophoniques et il aura une idée de l’ampleur de la division entretenue par les autorités de la troisième république. A travers les noms de famille des intervenants, de facto, les gens anticipent déjà sur ce que tu vas dire et sur ta position. Certes, il ne faut pas occulter la masse silencieuse qui n’appelle pas ou rarement. Mais déjà, c’est extrêmement grave que ces genres de réflexes se développent entre guinéens. Si les élites politiques guinéennes sont incapables de sortir ce pays de sa léthargie, qu’elles ne contribuent pas à l’effritement du tissu social. Elles ont trouvé un territoire et un peuple et les différentes composantes ethniques de ce peuple se sont acceptées dans cette différente et ont bâtie une Nation. Alors épargnez le peuple de vos querelles personnelles et égoïstes. Le plus lourd héritage que ce régime va laisser aux générations futures est sans doute cette division entre les communautés.

3. Mascarade électorale du 28 septembre 2013

Les élections législatives du 28 septembre dernier est une démonstration manifeste du déficit démocratique en Guinée. D’ailleurs, ce n’est pas une élection mais une mascarade. Dès le départ, le jeu était pipé. La confection du fichier électoral, le stockage et le conditionnement du matériel dans les entrepôts de Almamya et du camps Samory, l’acheminement et la distribution du matériel…tout le processus était géré par des militants et responsables du parti au pouvoir, le RPG. A coté de ceux-ci il y’a toute l’administration publique qui était impliquée dans cette entreprise de fraude généralisée. Les consignes étaient les suivantes : 1)- Sur l’ensemble du territoire national, consigne était donnée de gonfler les scores du parti au pouvoir au scrutin proportionnel. 2)- Dans les fiefs du l’UFDG de Cellou Dalein notamment, en Moyenne Guinée, ne pas se focaliser sur le scrutin uninominal mais toujours gonfler les scores du RPG à la proportionnelle. 3)- En Haute Guinée et en Guinée Forestière, en marge des opérations de vote, préparer parallèlement des urnes déjà remplies qui seront transmises aux différentes commissions administratives de centralisation des votes (CACV). Cette consigne était aussi valable pour la Basse Guinée. Mais à ce niveau, il y’a eu des imprévues qui ont poussé la machine de fraudes du pouvoir à reculer notamment, dans les circonscriptions de Conakry. C’est la mission d’observation électorale de l’Union Européenne qui a sauvé l’opposition dans les circonscriptions électorales de Conakry. Quand le PEDN de Lansana Kouyaté refuse de siéger, il a ses raisons car il n’y a pas eu d’élections en Haute Guinée et en Guinée Forestière.

4. Comment les intellectuels guinéens ont trahi la nation ?

Ma petite expérience de la réalité politique guinéenne me pousse à exprimer mes points de vue sur certaines questions. Comment un pays potentiellement riche s’est retrouvé dans une situation aussi déplorable ? Selon plusieurs théoriciens, la première richesse d’une nation est avant tout ses Hommes. Si aujourd’hui la Guinée se trouve dans cette situation c’est tout simplement parce que des guinéens ont décidé qu’elle soit ainsi. Trois catégories d’intellectuels guinéens: la première catégorie est composée des commis de l’Etat. Enfermés dans une administration qui intimide ses cadres, ces intellectuels n’expriment leurs points de vue que dans leur salon devant leur petit écran. La deuxième catégorie est composée des intellectuels complices et défenseurs du diable. A l’aide des théories politiques apprises et profondément controversées, ces intellectuels utilisent ce potentiel pour se faire de l’argent. Dans un pays où le critère de compétences repose sur ta capacité à articuler des expressions françaises via la radio ou la télé, certaines catégories de la population peuvent banalement gober tes imbécilités pour t’ériger en modèles. Ces intellectuels avides de célébrité et d’argent se prostituent même devant le diable. La troisième catégorie est celle des intellectuels où l’indifférence est leur credo actuel. Déçus à plusieurs reprises pour les multiples rendez-vous manqués et les exactions des pouvoirs précédents, ces intellectuels préfèrent le silence et l’indifférence face à ce qu’on pourrait appelé le drame guinéen.

5. Gouverner autrement : la démocratie comme l’unique voie

Loin de moi l’idée de proposer une recette magique pour sortir de cette inertie intellectuelle caractéristique de l’élite guinéenne, je cherche simplement à stimuler les esprits des guinéo-pessimistes jusque là silencieux, d’y croire qu’une autre Guinée est bien possible. Le paradoxe guinéen est aujourd’hui inacceptable. Nous devons arrêter de vanter nos potentialités et penser à travailler pour le bien-être des populations. Pour ce faire, la Guinée n’inventera pas la roue. Elle doit impérativement suivre les modèles proposés et qui ont eu des résultats probants dans d’autres pays. La démocratie ne se résume pas simplement à l’organisation d’élections, je voulais dire, simulacre d’élections, ou à la présence physique de quelques institutions républicaines. Elle est avant tout un ensemble de valeurs reconnues et acceptées collectivement. La Guinée a connu plusieurs élections dans son histoire politique récente, mais jusque là, les différentes classes dirigeantes qui se sont succédé ont plutôt piétiné les principes démocratiques. Aujourd’hui, le contraste est très marqué entre celui qu’on a labélisé ‘’Président démocratiquement élu’’ et la réalité de la gouvernance actuelle. « La bonne gouvernance suppose notamment, le respect de l’état de droit, des droits de l’homme, de la transparence dans la gestion de la chose publique et l’obligation de rendre compte ».

Sékou Chérif Diallo


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