Loi Antijihad de la France: La sécurité et La liberté

9 janvier 2015

Loi Antijihad de la France: La sécurité et La liberté

Ma chronique publiée dans le magazine ‘’Altermondes’’ en décembre 2014

Après la tuerie au siège de Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, il s’avère nécessaire d’introduire un autre questionnement : comment préserver le modèle social républicain français face à cette menace djihadiste sans tomber dans l’amalgame et la polémique ? A lire très prochainement.

Bernard Cazeneuve, Ministre français de l'Intérieur
Bernard Cazeneuve, Ministre français de l’Intérieur

Voici l’article d’avant Charlie Hebdo

« Loi liberticide », « Cheval de Troie du tout-sécuritaire », les critiques fusent de la part des défenseurs des droits de l’Homme pour qualifier la nouvelle loi antiterroriste, dite « antijihadiste », adoptée à une large unanimité par le Sénat français, le 16 octobre dernier. À l’instar des lois votées au Royaume-Uni et en Australie, elle met en place toute une batterie de mesures pour répondre à la menace des « loups solitaires » : renforcement de la répression des actes de terrorisme, notamment le blocage de sites faisant l’apologie de ces actes, création d’un nouveau délit d’entreprise terroriste individuelle et interdiction de sortie du territoire des candidats au jihad. La lutte contre le terrorisme est indéniablement légitime. Elle l’est au vu de l’intensité de la menace, mais, surtout, des mutations des parcours de radicalisation. De ce fait, la réadaptation des dispositions juridiques s’impose inéluctablement.

Toute la question est alors de savoir comment les États démocratiques doivent s’adapter aux réalités mondiales sans dévier des principes et des valeurs qui les fondent et structurent leur modèle de société. Garantir la sécurité des citoyens par l’adoption des lois dites « antijihadistes » doit-il amener les États à faire fi de libertés aussi fondamentales que celles de circulation, d’information ou encore de possession des biens licites tels que des magazines, des livres, au seul motif que ces derniers feraient l’apologie du terrorisme ou pourraient participer à la formation des jihadistes? Faudrait-il imposer un choix entre liberté et sécurité ? La question se pose aussi aux États africains qui apparaissent aujourd’hui comme le maillon faible de la lutte contre le terrorisme. Il ressort en effet de l’analyse des dispositifs antiterroristes mentionnés dans la plupart des législations nationales africaines une ambiguïté dans la définition de l’acte terroriste, mais aussi dans son incrimination. Déjà réputés pour le non-respect des droits humains, de façon générale et cela, bien avant l’inscription de la lutte contre le terrorisme comme une priorité mondiale, la plupart des États africains peinent à intégrer le caractère indissociable entre sécurité et droits humains. Montesquieu proclamait qu’il y a des droits de l’Homme supérieurs à toute loi humaine : la liberté individuelle, la sécurité, la liberté de penser, de parler et d’écrire. Vouloir restreindre ces libertés c’est, en quelque sorte, obtempérer face au défi lancé par les groupes terroristes pour lesquels la liberté n’a aucune valeur, seule la terreur devant régir ce monde. Les démocraties doivent trouver ce subtil dosage entre le besoin vital de se sentir en sécurité et la nécessité absolue de jouir des libertés fondamentales. On ne saurait sacrifier l’un à l’autre.

 

Sékou Chérif Diallo

https://www.afriquesociologie.com/

Partagez